Le débourrage est encore régulièrement associé à la ruade. C’est souvent le cas jusqu’à ce que l’on découvre qu’avec une approche éthologique, on peut débourrer son cheval de manière calme et douce. Pour avoir des conseils à ce sujet, j’ai fait appel à Sébastien Jaulin, éthologue et responsable du département éducation au Haras de Hus, un haras en France. C’est lui qui s’occupe de tout le débourrage des chevaux de la ferme !

L’éthologie au Haras de Hus ?

Oui, vous avez bien lu ! Le Haras de Hus a choisi l’éthologie comme technique privilégiée pour le débourrage de ses chevaux. Avec les résultats, c’est la preuve que l’éducation de haut niveau et l’éthologie sont compatibles (comme si c’était encore à prouver…).

L’idée vient de la volonté de maximiser le bien-être des chevaux pendant cette période cruciale et les résultats étant là, la pratique a perduré ! Grâce à cette méthode, les chevaux sortent de la période de débourrage bien dans leur tête et en forme pour une belle carrière !

Pour preuve, je vous invite à regarder cette démonstration à laquelle j’ai assisté les yeux ébahis à Saumur en 2016. Il s’agit d’une jument de 5 ans, issue du Haras de Hus, débourrée par Sébastien Jaulin. Elle est montée en dressage par Manuel Godin du Haras de la Cense, donc il a travaillé selon les principes de l’éthologie. Vous comprendrez aisément pourquoi cette approche dès le débourrage présente des avantages indiscutables.

📚 En savoir plus sur le sujet : 10 principes d’éthologie équestre que tout cavalier devrait connaître

Plongeons un peu plus loin et explorons comment le processus de débourrage 🔍

Où commence et où se termine le processus de débourrage d’un cheval ?

Selon ce dictionnaire, la définition de « débourrage » est : « habituer (un cheval) à la bride et à la selle, à être monté, etc »

Pour Sébastien Jaulin, le débourrage d’un cheval est terminé lorsque les bases du dressage sont acquises. Cela signifie deux choses :

  1. Le cheval est capable de sortir (forêt, route…) tout seul.
  2. Dans le manège, il est capable de faire des cercles en répondant à la jambe intérieure, il sait faire des transitions aux allures et il sait s’asseoir au contact.

En gardant cela à l’esprit, il peut falloir 4 à 10 semaines de travail et 5 à 6 séances par semaine pour amener votre cheval là où vous aimeriez être.

Mais passons les choses dans l’ordre et voyons d’abord les prérequis nécessaires.

Les premières manipulations commencent tôt !

Au Haras de Hus, la formation de base commence 15 jours après le sevrage et les poulains sont sevrés entre 8 et 12 mois.

💡 En savoir plus : Le sevrage des poulains, une bonne idée ?

Après le sevrage, les poulains sont initiés aux manipulations de base et cette formation dure 1 semaine. Ils apprennent à respecter le licol, à marcher avec quelqu’un qui les mène, à être à l’aise avec quelqu’un qui les touche partout et enfin à respecter les limites avec leur manipulateur.

Ce travail est répété encore une semaine lorsque le poulain a 1 an, puis à nouveau à l’âge de 2 ans. Selon l’utilisation future du cheval, ils seront débourrés entre 2,5 et 3,5 ans.

Pour Sophie Bolze, éleveuse de poneys Connemara dans le centre de la France, la manipulation commence avant même le sevrage :

« Pour l’apprentissage précoce, je me sers beaucoup de la mère. C’est ainsi que je leur apprend à marcher en main, à aller à la douche, à aller au lac et à découvrir le manège… Tout se fait avec la mère et cela s’est avéré très efficace. C’est beaucoup plus rapide et les bénéfices se font vraiment sentir quand on les débourre ensuite. »

Vous pouvez retrouver Sophie Bolze sur la page Facebook de son élevage, ainsi que sur son site internet.

Pour un bon débourrage, il faut prendre en compte la condition physique du cheval.

Lorsque vous débourrez votre cheval, vous commencez une activité physique plus intense. Il est alors fréquent que votre cheval perde du poids, notamment lorsque votre cheval subit un changement d’environnement. C’est le cas lorsque les chevaux arrivent au Haras de Hus pour le débourrage.

« Pendant le débourrage, les chevaux ne doivent pas être à bout de nerfs. C’est pourquoi je préfère avoir des chevaux un peu en surpoids au départ plutôt qu’un peu maigres pour éviter qu’ils perdent trop de condition. On leur donne du foin à volonté et des palettes à des doses un peu plus élevées que les chevaux en travail régulier. »
– Sébastien Jaulin

Le cheval fera également l’objet d’une évaluation complète du mouvement avant le débourrage. L’objectif est d’une part de ne pas débourrer un cheval inapte, et d’autre part de connaître les petites particularités que peut avoir ce cheval avant de commencer le débourrage. Ces particularités trouvées sont ensuite prises en compte lors du débourrage. Ces chevaux nécessiteront une attention particulière et le travail est alors adapté en conséquence pour eux.

Enfin, un bilan dentaire doit être fait au préalable et les dents de loup doivent être retirées.

Comment ils sont débourrés…

Passons aux choses sérieuses. Le débourrage se déroule sur 4 semaines, le cheval est travaillé 5 à 6 fois par semaine et également sorti deux fois par jour : une fois pour le travail avec le cavalier et une fois au paddock ou au marcheur.

Voyons maintenant le programme :

Semaine 1 📅

La première semaine consiste en un travail de fond approfondi.

L’une des façons d’y parvenir est le contrôle du pied. Le cavalier doit être capable de contrôler les quatre pieds du cheval indépendamment les uns des autres.

Le cheval est également désensibilisé aux manipulations habituelles et à divers stimuli tels qu’un drapeau, une bâche, le lancement de la longe sur le cou, etc.

Désensibilisation au drapeau – Photo : Sébastien Jaulin / Haras de Hus

Le but de cette première semaine est de mettre le cheval en confiance dans son environnement et de réduire au maximum ses réflexes de fuite face à des éléments inconnus.

⚠️ C’est une étape cruciale pour l’avenir qui peut être très vite ratée si elle est mal faite. Généralement, lorsque le débourrage dure 10 semaines au lieu de 4, c’est parce que cette étape a par ailleurs été sautée ou mal faite, c’est donc clairement l’étape la plus délicate.

Semaine 2 📅

Au programme de la deuxième semaine : découverte du matériel, du bloc de montage et monter à côté d’autres chevaux/être mené par un autre cheval.

D’abord, c’est le travail de désensibilisation de la bouche qui est abordé. Le cheval découvre la bride et le mors. Il découvre également la longe et les longues rênes.

Puis, le dos est désensibilisé, le cheval découvre le surcingle puis la selle. Vient rapidement le travail du bloc de montage, à gauche et à droite, puis l’apprentissage de l’autonomie au blog de montage (c’est-à-dire ne pas être tenu pour rester à l’arrêt).

Enfin, et c’est à mon sens le plus impressionnant : être mené. Il s’agit de monter sur un vieux cheval et de tenir le jeune en licol à côté du vieux cheval. Le cavalier et les deux chevaux sortent comme ça !

Ponying – Photo : Sébastien Jaulin / Haras de Hus

En fait, l’idée est d’habituer le jeune à voir un autre cheval monté et à voir le cavalier en position haute. Cela permet également de voir si le cheval a des problèmes de socialisation et de tester ses réactions face à l’environnement.

Si le travail a été bien fait jusqu’à présent, il ne devrait pas y avoir de réaction violente ! Le but même de cette première semaine est de mettre le cheval en confiance et de le désensibiliser pour qu’il apprenne à ne plus fuir.

Semaine 3 📅

Une fois que tout cela est acquis, montez à cheval et allez dehors ! 🏇🏻 Il s’agit maintenant d’apprendre au cheval les bases de l’impulsion, de la rectitude et de l’attitude !
De plus, les chevaux débourrés au Haras de Hus étant destinés à une carrière sportive, ils doivent apprendre tout de suite la notion d’effort. Celle-ci peut être testée, par exemple, en trottant ou en galopant pendant 4 km sur une piste forestière. Ce travail en extérieur permet de tester leur comportement en dehors de leur zone de confort.

Semaine 4 📅

Enfin, le cheval va découvrir le travail en carrière. L’idée est qu’à la fin de cette semaine, le cheval connaisse les aides du travail de dressage de base.
Le but est d’avoir un cheval qui sait faire des cercles avec une réponse à la jambe intérieure, faire des transitions au pas et avoir une pression de contact avec une encolure régulière.

« Lorsque le cheval est en confiance et attend la demande, le travail de dressage est très rapide. Il nécessite cependant que le cheval soit calme, détendu et ne s’enfuie pas. » Sébastien Jaulin

4ème semaine de débourrage – Attention, monter sans casque est dangereux ! Photo : Sébastien Jaulin / Haras de Hus

Quels sont les facteurs qui influencent le débourrage d’un cheval ?

Il y a 4 facteurs qui peuvent rendre le débourrage plus facile ou plus difficile.

L’expérience du cavalier

C’est très évident, mais c’est quand même important et à mentionner.

L’expérience du cavalier et des personnes qui manipulent le cheval va faciliter ou compliquer le débourrage.

En fait, ce sont les petits détails qui vont influencer le comportement du cheval et la facilité avec laquelle il pourra être désensibilisé. Le problème, c’est que lorsqu’on n’est pas formé à ces méthodes, on peut vite faire des erreurs… nous vous reccomandons donc d’être accompagné durant toute l’éducation de votre jeune cheval ! C’est essentiel !

L’éducation et l’expérience du cheval avant le débourrage

Selon le type d’éducation que le cheval a reçu avant le débourrage, celui-ci peut être plus ou moins compliqué.

Ainsi, les chevaux trop gâtés sont plus difficiles à exercer et sont facilement collants. Au contraire, les chevaux très peu manipulés respectent beaucoup mieux « l’espace vital » du cavalier mais sont aussi plus difficiles à désensibiliser.

A part l’éducation au sens strict du terme, l’expérience du cheval a aussi un impact énorme.

La génétique

La génétique influe sur la facilité de débourrage d’un cheval. Selon les origines, les chevaux fourniront facilement des efforts mais seront délicats à la désensibilisation, ou bien il leur sera plus difficile de fournir ces efforts.

Par exemple, les pur-sang seront plus délicats à la désensibilisation mais n’auront aucun problème à fournir des efforts.

Le caractère de la mère et du père a également un impact ! Si vous voulez mettre votre jument au haras, renseignez-vous bien sur le caractère et l’histoire de l’étalon !

L’équipement

Le débourrage est LE moment où le cheval construit sa relation avec le cavalier. Ainsi, si la première selle que vous mettez est « la selle pourrie du débourrage » qui ne leur convient pas du tout ou même qui leur fait mal car elle appuie sur le garrot, ils feront automatiquement l’association {selle = douleur}. Cette douleur sera également aggravée par la présence du cavalier.

👉 D’où l’importance de porter un peu d’attention au matériel utilisé lors du débourrage.

En savoir plus : Comment votre selle vous empêche de progresser

« Depuis 30 ans que je fais de l’élevage, c’est toujours moi qui débourre mes poulains. Ils naissent chez moi, je les manipule depuis leur naissance, c’est moi qui leur apprend tout. Nous les débourrons chez eux, dans un endroit qu’ils connaissent parfaitement pour qu’ils soient en confiance. Le débourrage en lui-même n’est donc qu’une formalité ! C’est d’autant plus vrai avec les Connemaras que nous les débourrons, en seulement 5 séances. FSP avec un cheval d’origine est un peu plus délicat. »
– Témoignage de Sophie Bolze qui résume bien la problématique du débourrage !

Suivez les progrès de votre cheval pendant et après le débourrage

Le débourrage est une période de grande transformation au niveau du mouvement des chevaux, car le cheval doit s’adapter au poids et aux mouvements du cavalier. C’est aussi la période qui marque le début de sa carrière et donc le début de sa progression future.

De ce fait, il peut être très intéressant de commencer à suivre sa progression au niveau du mouvement/rythme et cardiorespiratoire dès le débourrage. Tout cela est possible grâce au capteur connecté Equisense Motion S.

Vous pourrez notamment suivre l’évolution de l’élévation, de la symétrie, de la régularité des mouvements et de la fréquence cardiaque de votre cheval pendant et après le débourrage, le tout étant facilement lisible sur l’application mobile Equisense.

En résumé

Le débourrage d’un cheval correspond au début de sa carrière sportive, c’est aussi sa première expérience de l’équitation. Cette expérience doit donc être la plus agréable possible, sinon, la suite de leur carrière risque d’être très compliquée !
Pour cela, il est nécessaire de bien connaître le processus d’apprentissage d’un cheval et d’être bien encadré dès le début ! Il est donc conseillé de faire appel à un professionnel dès le début plutôt que de vouloir le faire seul et risquer des erreurs !

Si vous avez de l’expérience sur le débourrage de votre propre cheval, partagez vos histoires avec nous !

Camille Saute
Cofondatrice d’Equisense

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