Construite au XVe siècle, la Cité interdite de Pékin a une histoire qui s’étend sur six siècles, dont cinq en tant que résidence impériale, le dernier siècle ayant subi les vies de l’histoire moderne.
La Cité interdite est le troisième palais impérial à être construit à Pékin. Le premier a été construit sous la dynastie Jin (1115-1234), le second sous la dynastie Yuan (1271-1368), et la Cité interdite a été construite sous la dynastie Ming (1368-1644). Pour comprendre l’histoire de la Cité interdite, il faut commencer un siècle et demi avant sa construction, au moment de la prise de pouvoir de la dynastie Yuan.
Contexte historique et politique
C’est l’empereur Yongle qui a décidé de construire un palais impérial à Pékin, il a pris cette décision après avoir déplacé sa capitale dans sa ville, la précédente capitale étant Nanjing. Yongle était le 4ème fils de l’empereur Zhu Yuanzhang, le 2ème de la lignée Ming. Il n’était pas destiné à régner, mais les aléas de l’histoire ont provoqué la mort du premier fils, le nouvel empereur devant être, selon les règles établies en Chine à cette époque, son premier petit-fils. Mais alors qu’il s’apprête à monter sur le trône, son oncle Yongle prend le pouvoir par la force et se fait couronner empereur à sa place.
Mais dans le monde chinois, la légitimité de l’empereur est une chose essentielle. Yongle va passer sa vie à légitimer son poste, multipliant les constructions censées être bénéfiques à son peuple pour s’attirer les bonnes grâces. L’une de ses premières actions sera de déplacer sa capitale de Nankin à Pékin, ancienne capitale de la dynastie mongole des Yuan, qui avait soumis les Chinois pendant un siècle et donc a priori peu encline à devenir une capitale chinoise. Il l’a fait. Le but était de se rapprocher de l’ennemi, puisque les Mongols, qui ont toujours eu des vestiges sur la Chine, étaient au nord. De plus, Nanjing était une ville mal protégée, et surtout pleine de personnes soumises au petit-fils de l’empereur, dont il avait pris la place.
En arrivant à Pékin, il construisit un fort rempart autour de la ville et lança la construction de son nouveau palais, La Cité interdite.
La construction
La construction de la cité interdite ne dura que 14 ans, ce qui était relativement rapide pour autant de travaux. Elle a commencé en 1406 et s’est achevée en 1420.
Les premiers travaux consistaient à déblayer le terrain et à creuser les fondations. La terre extraite de ces travaux a été empilée au nord du complexe, à une courte distance. Elle finit par former une colline conséquente appelée « La colline du charbon », en raison de sa couleur sombre.
La construction des murs épais allait de pair avec celle des pavillons, qui avançaient ensemble. Il y eut un grand travail pénible et régulier pour monter les remparts, et un autre de précision et de minutie pour les pavillons. Le résultat suggère la qualité du travail effectué à cette époque, qui ne disposait pas de matériaux de construction puissants.
En 1420, l’un des principaux travaux fut la construction de la porte du Méridien, la porte principale de la cité interdite.
En savoir plus sur la construction de la cité interdite.
Après la révolte dans tout le pays, une nouvelle dynastie s’installe en Chine, les . Ils étaient d’origine mandchoue. Commence alors une nouvelle période pour la cité interdite.
En 1726, l’empereur déplace sa résidence au palais de la formation du cœur. En 1731, il construit le pavillon de l’abstinence. Juste avant le début du XIXe siècle, en 1798, le palais de la pureté céleste se transforme, il prend la forme que nous lui connaissons aujourd’hui.
À la fin du XVIIIe siècle, le roi George III d’Angleterre envoie une mission pour améliorer les relations entre son pays et la Chine. Nous étions alors sous le règne de l’empereur Qianlong, à cette époque. Le problème qui se présentait était que dans l’imaginaire chinois, l’Empereur était au centre de toutes choses, donc les autres peuples dépendaient de l’Empereur. Bien entendu, l’ambassadeur anglais, Lord Macartney, refuse de suivre les rituels de soumission qui lui sont imposés, et la mission échoue donc. Une deuxième tentative fut faite en 1816 par l’ambassadeur Lord Amherst, mais le résultat fut le même. Le texte ancien nous apprend que l’Empereur aurait alors écrit à George III pour lui dire :
Si vous acceptez loyalement notre souveraineté et que vous vous montrez soumis, il n’est pas nécessaire d’envoyer chaque année une mission à cette Cour pour prouver que vous êtes vraiment notre vassal.
En 1860, Pékin est occupé par les forces françaises et anglaises, leurs armées organisent le pillage de la ville interdite. Puis, en 1900, un siècle plus tard, la révolte des boxeurs provoque une guerre entre les nationalistes chinois et les forces d’occupation. La ville de Pékin est alors incendiée.
Il faut attendre 1949 pour que Pékin devienne, pour la dernière fois, la capitale de la Chine.
Les rénovations
Au cours de l’histoire de la Cité interdite, il y a eu quelques rénovations, mais rien de vraiment important comme travaux. Les plus importants étaient plutôt des réparations car comme le complexe est en bois, il était assez sujet aux incendies qui se déclaraient régulièrement.
La plus grande rénovation a eu lieu en 1436, plus d’un siècle après sa construction. Cette année-là, un nouvel empereur montait sur le trône, Zhengtong (1436-1449). Mais il n’avait que huit ans, c’est donc son conseiller qui dirigea l’empire, jusqu’à sa maturité. Ce fut l’eunuque Wang Zhen, qui lança des travaux pour renforcer les défenses de la ville ainsi que d’autres sur la Grande Muraille. Sur la cité interdite, il ajouta des tours d’archers, des portes de tours et des portes pour contrôler le flux d’eau dans les fossés et dans la rivière traversant la Cité interdite. Cela n’avait l’air de rien mais la possibilité de contrôler le niveau de l’eau permettait d’avoir toujours un réservoir d’eau à portée de main en cas d’incendie, ce qui était fréquent.
Wang Zhen a également reconstruit les ponts qui traversent la rivière des eaux dorées, il les a fait en pierre et non plus en bois, comme c’était le cas auparavant.
Les attaques sur la cité interdite étaient également sources de destruction. Ainsi, en 1458, les officiers mongols de l’armée chinoise provoquèrent un coup d’état et brûlèrent les portes de la ville, mais sans réussir à y pénétrer en raison des fortes pluies qui s’acharnaient à l’époque de la cité. Il fallut alors reconstruire l’entrée partiellement détruite.
Pendant le long règne de Qianlong (1735-1799), l’empereur fit de grands travaux dans la cité impériale. Il créa un palais indépendant du reste de la ville, à l’angle nord-est, une série de bâtiments de 400 mètres de long sur 200 dans lesquels il construisit un palais, des bâtiments annexes et un jardin. Ce furent les plus grands travaux réalisés sur le complexe, de tous les temps.
L’époque récente
Au XXe siècle, la dynastie s’est éteinte sous le règne du dernier empereur, Pu Yi. Cela s’est passé en 1912, une année où une armée de rebelles a réussi à s’organiser pour prendre Pékin. Pu Yi a laissé la Cité interdite en 1924, qui sera ouverte au public en même temps que le Musée du Palais (« Gugong Bówùyuàn »).
Entretien
Une œuvre d’art classée par l’UNESCO depuis 1987, le Palais impérial de Pékin est le plus grand ensemble architectural complet de Chine. C’est aussi un ensemble en bois, forcément fragile. Bien plus qu’il n’y paraît.
L’entretien de la cité interdite est rigoureux et régulier. Il faut constamment vérifier la qualité de l’édifice qui s’abîme peu à peu, surtout si les travaux d’entretien sont mal faits. La peinture est régulièrement refaite sur les parties les plus abîmées.
En ce qui concerne la transformation de la cité interdite en sites de visite, il faut savoir que les autorités en charge de sa préservation ont limité au maximum la commercialisation des objets touristiques. Bien sûr, elle existe, comme dans tous les sites touristiques du monde, mais ici elle a été limitée volontairement pour ne pas gâcher l’ensemble architectural. L’exemple le plus notable est l’ouverture d’un café « Starbuck » en 2000, qui a été contraint de fermer en 2007 afin de limiter l’impact visuel du merchandising local.
Le palais vu par un Européen
En 1777, un livre est publié, les « Mémoires concernant les Chinois ». Écrit par un missionnaire anonyme, il décrit la cité interdite en ces termes:
Les palais de l’empereur sont de véritables palais et témoignent de la grandeur du seigneur qui les habite par l’immensité, la symétrie, l’élévation, la régularité, la splendeur et la magnificence des innombrables édifices qui les composent. Le Louvre tiendrait largement dans une des cours du palais de Pékin, et il y en a beaucoup depuis la première entrée jusqu’à l’appartement plus secret de l’Empereur, sans parler des édifices latéraux. Tous les missionnaires que nous avons vus venir d’Europe ont été frappés par l’air de grandeur, de richesse et de puissance du palais de Pékin. Tous ont avoué que si les diverses parties qui le composent n’enchantent pas la vue, comme les plus beaux exemples de la grande architecture européenne, leur ensemble constitue un spectacle auquel rien de ce qu’ils avaient vu auparavant ne les avait préparés. Ce palais mesure 236 toises et 2 pieds d’est en ouest, et 236 toises et 9 pieds du nord au sud. Il faut y ajouter les trois anciennes cours, qui, bien qu’entourées de bâtiments plus grands que les autres, ne sont pas comprises dans ces mesures. Des milliers de toises , toutes occupées ou entourées de tours, de galeries, de portiques, de salles et de bâtiments importants, produisent d’autant plus d’effet que les formes sont très les proportions plus simples, les plans plus assortis, et le tout tendant à une même fin : tout, en effet, devient plus beau à mesure qu’on approche de la salle du trône et des appartements de l’empereur.
Les cours latérales ne peuvent être comparées aux cours centrales, ni les premières à celles qui sont situées plus en arrière. Il en va de même pour tout le reste. Les derniers cours, qui ne sont ni porcelaine ni dorés comme dans les contes, mais revêtus d’une majolique grossière, émaillée de jaune d’or, et chargés d’ornements en relief, surpassent tous les autres par leurs corniches et leurs angles en faîtage décorés. Nous ne dirons rien des couleurs et vernis dorés qui confèrent tant de splendeur aux grands édifices, de peur qu’ils ne donnent l’impression d’une tabatière ou d’une boîte à bonbons. Il faudrait des volumes entiers pour décrire dans leur intégralité les palais que l’Empereur possède à Pékin, dans les environs, en province et au-delà de la Grande Muraille. Mais comme certaines imaginations s’enflamment facilement, et font un feu d’une seule étincelle, nous leur dirons tout de suite que quoique la politique les ait voulus pour soutenir la majesté, et pour donner une idée de la puissance d’un des plus grands princes de la terre, elle a eu soin de les faire tous plus petits, moins magnifiques, moins ornés que celui de Pékin
Voir aussi :
Histoire de la Chine
Vie d’un empereur dans la cité interdite
Cérémonies organisées dans la cité interdite
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