(1796-1855), tsar et empereur de Russie de 1825 à 1855.

Nicolas Pavlovitch Romanov arrive au pouvoir au milieu de la révolte des décembristes de 1825 et meurt pendant la guerre de Crimée. Entre ces deux événements, Nicolas est devenu connu dans tout son empire et dans le monde entier comme la quintessence de l’autocrate, et son système nicholovien comme le plus oppressif d’Europe.

Lorsque Nicolas Ier était sur son lit de mort, il a prononcé ses derniers mots à son fils, qui allait bientôt devenir Alexandre II : « Je voulais prendre sur mes épaules tout ce qui était difficile, tout ce qui était grave, et vous laisser un royaume paisible, bien ordonné et heureux. La Providence en a décidé autrement. Maintenant, je vais prier pour la Russie et pour vous tous. » Plus tôt dans la journée, Nicolas a ordonné que tous les régiments de la Garde soient amenés au Palais d’Hiver pour prêter serment d’allégeance au nouveau tsar. Ces paroles et ces actions en disent long sur la personnalité de Nicolas et sur son règne. Nicolas était un tsar obsédé par l’ordre et l’armée, et ses trente années sur le trône lui ont valu la réputation de gendarme de l’Europe. Sa peur de la rébellion et du désordre, notamment après les événements de son accession au trône, l’affectera jusqu’à la fin de son règne.

éducation, décembre 1825, et règne

Nicolas Ier n’était pas destiné à être tsar, et n’a pas été éduqué pour l’être. Né en 1796, Nicolas est le troisième des quatre fils de Paul Ier. Ses deux frères aînés, Alexandre et Constantin, ont reçu une éducation digne de futurs souverains. En 1800, en revanche, Paul nomme le général Matthew I. Lamsdorf responsable de l’éducation de Nicolas et de son jeune frère, Mikhaïl. Pour Lamsdorf, l’éducation passe par la discipline et l’entraînement militaire, et il impose à ses deux protégés un régime strict qui comprend des passages à tabac réguliers. Nicolas a ainsi appris à respecter l’image militaire que son père cultivait et la nécessité de l’ordre et de la discipline.

Bien que Nicolas ait reçu une éducation dans des matières plus traditionnelles, il ne répondait qu’aux sciences militaires et à l’entraînement militaire. En 1814, pendant la guerre contre Napoléon, il renonce à porter des vêtements civils et n’apparaît que dans son uniforme militaire, une habitude qu’il gardera. Pendant la guerre de 1812, Nicolas aspire également à participer à la défense de la Russie. Son frère, Alexandre Ier, souhaite qu’il reste en Russie jusqu’à la fin des hostilités. Nicolas ne rejoint l’armée russe que pour les célébrations de la victoire qui ont lieu en 1814 et 1815. Le jeune Nicolas fait ses débuts en tant que commandant et est impressionné par les spectacles et leur démonstration du pouvoir politique russe. Pour Nicolas, comme l’a noté Richard Wortman, ces parades ont fourni un modèle de démonstration du pouvoir politique pour toute sa vie.

Après la guerre, Nicolas s’installe dans la vie d’un grand duc russe. Il parcourt son pays et l’Europe entre 1816 et 1817. En 1817, Nicolas épouse la princesse Charlotte de Prusse, qui est baptisée grande-duchesse Alexandra Fyodorovna. L’année suivante, en avril 1818, Nicolas est le premier de ses frères à avoir un fils, Alexandre, le futur Alexandre II. Pendant les sept années suivantes, la famille mène une vie tranquille dans le palais Anichkov de Saint-Pétersbourg ; Nicolas déclarera plus tard que cette période a été la plus heureuse de sa vie. L’idylle n’est rompue qu’une seule fois, en 1819, lorsqu’Alexandre Ier surprend son frère en lui annonçant que c’est lui, et non Constantin, qui pourrait être le successeur au trône de Russie. Alexandre et Constantin n’avaient pas de fils, et ce dernier avait décidé de renoncer à ses droits au trône. Cet accord n’a pas été rendu public, et ses ambiguïtés reviendront plus tard hanter Nicolas.

Alexandre Ier meurt dans le sud de la Russie en novembre 1825. La nouvelle de la mort du tsar met plusieurs jours à parvenir à la capitale, où elle sème la confusion. Tout aussi stupéfiante fut la révélation que Nicolas succéderait à Alexandre. En raison de l’accord secret, le désordre règne brièvement à Saint-Pétersbourg, et Nicolas jure même allégeance à son frère aîné. Ce n’est qu’après que Constantin ait à nouveau renoncé à son trône que Nicolas a annoncé qu’il deviendrait le nouvel empereur le 14 décembre.

Cette décision et la confusion qui l’a entourée ont donné à un groupe de conspirateurs la chance qu’ils recherchaient depuis plusieurs années. Un certain nombre d’officiers russes qui souhaitaient un changement politique qui transformerait la Russie d’une autocratie se sont rebellés à l’idée que Nicolas devienne tsar. Son amour pour l’armée et sa mentalité de caserne ne promettaient pas de réforme, et trois mille officiers ont donc refusé de prêter serment d’allégeance à Nicolas le 14 décembre. Au lieu de cela, ils défilent jusqu’à la place du Sénat où ils réclament une constitution et que Constantin devienne tsar. Nicolas a agi rapidement et sans pitié. Il ordonne une attaque des Horse Guards sur les rebelles, puis des tirs de canon, tuant une centaine de personnes. Le reste des rebelles sont rassemblés et arrêtés, tandis que d’autres conspirateurs dans toute la Russie sont incarcérés dans les mois qui suivent.

Bien que la révolte des décembristes se soit avérée inefficace, son spectre continue de hanter Nicolas. Son premier jour au pouvoir avait apporté confusion, désordre et rébellion. Au cours de l’année suivante, Nicolas mène des politiques et présente des caractéristiques qui vont définir son règne. Il supervise personnellement les interrogatoires et les punitions des décembristes, et informe ses conseillers qu’ils doivent être traités sans pitié car ils ont violé la loi. Cinq des dirigeants ont été exécutés ; des dizaines d’autres ont été exilés en Sibérie de façon permanente. En même temps qu’il poursuit la justice contre les décembristes, Nicolas établit une nouvelle conception du pouvoir impérial en Russie, qui s’appuie sur la place d’armes et le tribunal comme moyen de démontrer le pouvoir et l’ordre. Dès les premiers mois de son règne, il met en place des cérémonies et des examens de la puissance militaire et dynastique qui deviennent les marques de fabrique de son règne. Par-dessus tout, la révolte des décembristes convainc Nicolas que la Russie a besoin d’ordre et de fermeté et que seul l’autocrate peut les fournir.

Le système de gouvernement nicholaevien s’appuie sur ces idées et sur la méfiance du tsar à l’égard de la gentry russe à la suite de la révolte des décembristes. Nicolas place un cercle de ministres à des postes importants et s’appuie presque exclusivement sur eux pour gouverner. Il utilise également la chancellerie de Sa Majesté, le bureau privé pour les besoins personnels du tsar, pour gouverner. Nicolas divise la chancellerie en sections afin d’exercer un contrôle personnel sur les fonctions de gouvernement : la première section continue d’être responsable des besoins personnels du tsar, la deuxième section est créée pour promulguer des lois et codifier les lois russes, et la quatrième est responsable de l’aide sociale et des œuvres de charité. La troisième section, créée en 1826, a acquis la plus grande notoriété. Elle avait pour tâche de faire appliquer les lois et de maintenir l’ordre dans le pays, mais dans la pratique, la troisième section faisait bien plus. Dirigée par le comte Alexander Beckendorff, la Troisième Section met en place des espions, des enquêteurs et des gendarmes dans tout le pays. En fait, Nicolas établit un État policier en Russie, même s’il ne fonctionne pas efficacement.

C’est par le biais de la Deuxième Section que Nicolas réalise la réforme la plus notable de son règne. Créée en 1826 pour rectifier le désordre et la confusion au sein du système juridique russe qui s’étaient manifestés lors de la révolte des décembristes, la Deuxième Section a compilé un nouveau Code des lois, qui a été promulgué en 1833. Nicolas nomme Mikhaïl Speransky, ancien conseiller d’Alexandre Ier, à la tête du comité. Le nouveau code ne fait pas tant de nouvelles lois que de rassembler toutes celles qui ont été adoptées depuis la dernière codification en 1648 et de les classer par catégories. Publié en quarante-huit volumes avec un condensé, la Russie disposait d’un ensemble de lois uniforme et ordonné.

Nicolas en vint à incarner l’autocratie de son vivant, en grande partie par la création d’une idéologie officielle qu’un de ses conseillers formula en 1832. Traumatisé par les événements de 1825 et les appels à la réforme constitutionnelle, Nicolas croit fermement à la nécessité du régime autocratique russe. Parce qu’il avait triomphé de ses

opposants, il cherchait une expression concrète de la supériorité de la monarchie en tant qu’institution la mieux adaptée à l’ordre et à la stabilité. Il a trouvé un partenaire dans cette quête en la personne du comte Sergei Uvarov (1786-1855), plus tard ministre de l’éducation. Uvarov a formulé le concept de nationalité officielle, qui est devenu à son tour l’idéologie officielle de la Russie de Nicolas. Elle comportait trois composantes : Orthodoxie, Autocratie et Nationalité.

La formule d’Ouvarov donnait voix aux tendances au sein du système nicholovien qui s’étaient développées depuis 1825. Pour Nicolas et son ministre, un système ordonné ne pouvait fonctionner qu’avec des principes religieux comme guide. En invoquant l’orthodoxie, Uvarov mettait également l’accent sur l’Église russe comme moyen d’inculquer ces principes. Le concept d’autocratie est le plus clair des principes – il ne peut garantir l’existence politique de la Russie. Le troisième concept était le plus ambigu. Bien qu’il soit généralement traduit par « nationalité », le terme russe utilisé est narodnost, qui met l’accent sur l’esprit du peuple russe. De manière générale, Nicolas voulait mettre l’accent sur les caractéristiques nationales de son peuple, ainsi que sur son esprit, comme un principe qui rendait la Russie supérieure à l’Occident.

Nicolas a tenté de gouverner la Russie selon ces principes. Il a supervisé la construction de deux grandes cathédrales orthodoxes qui symbolisaient la Russie et sa religion – celle d’Isaac à Saint-Pétersbourg (commencée en 1768 et terminée sous Nicolas) et celle du Christ-Sauveur à Moscou (Nicolas a posé la pierre angulaire en 1837, mais elle n’a été terminée qu’en 1883). Il a dédié à son frère la colonne Alexandre sur la place du Palais en 1834 et une statue à son père, Paul Ier, en 1851. Nicolas organise également d’innombrables défilés et exercices dans la capitale, auxquels participent ses fils, une autre démonstration de la puissance et de l’intemporalité de l’autocratie russe. Enfin, Nicolas cultive les thèmes nationaux dans les spectacles et les festivals organisés dans tout son empire. En particulier, Une vie pour le tsar (1836) de Mikhaïl Glinka est devenu l’opéra national, tandis que le « Dieu sauve le tsar » du général Alexandre Lvov et de Vassili Joukovski est devenu le premier hymne national de la Russie en 1833.

Nicolas s’est également occupé de deux autres domaines de la société russe. Le premier concernait le gouvernement local et le fait de régner sur un pays aussi vaste, ce qui a longtemps été un problème pour les monarques russes. Nicolas supervise une réforme du gouvernement local en 1837 qui accorde plus de pouvoir aux gouverneurs. Plus important encore, Nicolas développe les bureaucraties russes et la formation de la fonction publique. Le système Nicholaevan devint ainsi synonyme de bureaucrates, comme le décrivent brillamment les écrits de Nikolaï Gogol.

La deuxième préoccupation urgente était le servage. Nicolas nomme en 1835 un comité secret qui s’attaque à la question de la réforme, voire de l’abolition, du servage. Dirigé par Paul Kiselev (1788-1872), le comité recommande l’abolition, mais ses conclusions ne sont pas appliquées. Au contraire, Nicolas déclare que le servage est un mal, mais que l’émancipation est encore plus problématique. Il confie à Kiselev la direction d’une cinquième section de la chancellerie en 1836 et le charge d’améliorer les méthodes agricoles et les conditions locales. Enfin, Nicolas fait passer une loi en 1842 qui permet aux propriétaires de serfs de transformer ces derniers en « paysans obligés ». Peu d’entre eux le font et, bien que des comités permanents recommandent l’abolition, Nicolas ne parvient pas à libérer les serfs de Russie. En 1848, donc, Nicolas avait établi un système de gouvernement associé à la nationalité officielle, à l’ordre et à la puissance.

Guerre, 1848, et la débâcle de Crimée

Nicolas se définissait lui-même et son système comme militariste, et les premières années de son règne ont également vu sa consolidation du pouvoir par la force. Il poursuit les guerres dans le Caucase commencées par Alexandre Ier, et consolide le pouvoir russe en Transcaucasie en battant les Perses en 1828. La Russie combat également l’Empire ottoman en 1828-1829 à propos des droits des sujets chrétiens en Turquie et des désaccords sur les territoires entre les deux empires. Bien que les combats aient donné des résultats mitigés, la Russie se considère comme victorieuse et obtient des concessions. Un an plus tard, en 1830, une révolte éclate en Pologne, une partie autonome de l’Empire russe. La révolte s’étend de Varsovie aux provinces occidentales de la Russie, et Nicolas envoie des troupes pour l’écraser en 1831. Une fois la rébellion terminée, Nicolas annonce le Statut organique de 1832, qui renforce le contrôle russe sur les affaires polonaises. La révolte polonaise rappelle à Nicolas les souvenirs de 1825, et celui-ci réagit en poursuivant les programmes de russification dans tout son empire. L’ordre règne, mais les réactions nationalistes en Pologne, en Ukraine et ailleurs assureront des problèmes aux futurs dirigeants russes.

Nicolas préside également à des mesures de plus en plus oppressives dirigées contre toute forme d’opposition perçue à son règne. La culture russe a commencé à s’épanouir au cours de la décennie 1838-1848, alors que des écrivains, de Mikhaïl Lermontov à Nikolaï Gogol, et des critiques, comme Vissarion Belinsky et Alexandre Herzen, faisaient irruption sur la scène culturelle russe. Leurs écrits critiquant de plus en plus le système nicholaïen, le tsar finit par sévir et sa troisième section arrête de nombreux intellectuels. La réputation de Nicolas comme autocrate par excellence s’est développée à partir de ces politiques, qui ont atteint leur apogée en 1848. Lorsque des révolutions éclatent en Europe, Nicolas est convaincu qu’elles constituent une menace pour l’existence de son système. Il envoie des troupes russes pour écraser les rébellions en Moldavie et en Valachie en 1848 et pour soutenir les droits des Autrichiens en Lombardie et en Hongrie en 1849. À l’intérieur du pays, Nicolas supervise de nouvelles censures et répressions dans les universités. En 1850, il avait gagné sa réputation de gendarme de l’Europe.

En 1853, la croyance de Nicolas en la puissance de son armée déclencha un désastre pour son pays. Il provoque une guerre avec l’Empire ottoman au sujet de différends persistants en Terre sainte, ce qui entraîne une réponse inattendue. Alarmées par les politiques agressives de la Russie, l’Angleterre et la France se joignent à l’Empire ottoman pour déclarer la guerre. La guerre de Crimée qui en a résulté a conduit à une défaite humiliante et à l’exposition de la faiblesse militaire russe. La guerre met également à nu les mythes et les idées qui guidaient la Russie nicholasienne. Nicolas ne vit pas l’humiliation finale. Il attrape un rhume en 1855 qui s’aggrave et meurt le 18 février. Son rêve de créer un État ordonné dont son fils hériterait est mort avec lui.

Alexandre Nikitenko, un ancien serf qui a travaillé comme censeur dans la Russie de Nicolas, conclut : « Le principal défaut du règne de Nicolas a consisté dans le fait que tout cela était une erreur ». Les contemporains et les historiens ont jugé Nicolas tout aussi sévèrement. D’Alexandre Herzen au marquis de Custine, l’image du tsar en tant que tyran circulait largement en Europe pendant le règne de Nicolas. Depuis lors, les historiens russes et occidentaux ont largement considéré Nicolas comme le dirigeant le plus réactionnaire de son époque, et un historien russe des années 1990 a affirmé qu' »il serait difficile de trouver une figure plus odieuse dans l’histoire de la Russie que Nicolas Ier ». W. Bruce Lincoln, le biographe américain le plus récent de Nicolas (1978), a soutenu que Nicolas a, à bien des égards, contribué à ouvrir la voie à des réformes plus importantes en développant les bureaucraties. Néanmoins, sa conclusion constitue une épitaphe idéale pour Nicolas : il a été le dernier monarque absolu à détenir un pouvoir sans partage en Russie. Sa mort a marqué la fin d’une époque.

Voir aussi : alexandre i ; alexandra fedorovna ; autocratie ; guerre de Crimée ; mouvement et rébellion des decembristes ; politiques nationales, tsaristes ; uvarov, sergei semenovich

bibliographie

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Stephen M. Norris

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